RENE GOSCINNY Claude-Jean Philippe SEGHERS HUMOUR N°2 1976 BON ETAT

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Verkäufer: ol-758137 ✉️ (65) 0%, Artikelstandort: Cannes, FR, Versand nach: WORLDWIDE, Artikelnummer: 144252447180 RENE GOSCINNY Claude-Jean Philippe SEGHERS HUMOUR N°2 1976 BON ETAT. SEGHERS, 1976. 1ère édition. Couverture souple. 16 x 13 cm. In-12. Broché.  BON ETAT (couverture marquée, dos fané, mais intérieur très bon)  180 Pages - Quelques planches photos et dessins en noir et blanc  Avant de proposer quelques articles du journal Le Monde sur René Goscinny qui demeure toujours d'actualité commpe vous le verres, un article du même journal publié après la dispartion de Claude Jean-Philippe.

Le critiquede cinéma Claude-Jean Philippe est mort

Egalement réalisateur, il avaitnotamment présenté l’émission « Ciné-club » sur France 2 entre1971 et 1994.

Jacques MANDELBAUM Publié le 11septembre 2016

Uneprésence discrète, et néanmoins particulièrement chère au cœur de quelquesgénérations de spectateurs de la télévision française, s’est éteinte dimanche11 septembre. Claude-Jean Philippe, 83 ans, vient donc d’inscrire le mot « fin » sur une vie consacrée àla transmission du cinéma au plus grand nombre, à une époque où la petitelucarne se faisait du téléspectateur une idée plus grande que celle qui yprévaut aujourd’hui.

Passeur passionné, vulgarisateur hors pair, son « Ciné-club» sur la deuxième chaîne de l’ORTF (créé avec Patrick Brion), puis sur Antenne2, enfin, sur France 2 a imprimé durant plus de deux décennies (1971-1994) unemarque profonde dans les esprits tant des cinéphiles maniaques que des genshonnêtes, marque d’autant plus précieuse qu’engrangée avant l’accessibilitépermanente aux œuvres fournie par Internet. Une histoire éclectique et éclairéedes grands classiques du cinéma mondial (Claude-Jean Philipppe goûtait plusmodérément la radicalité d’un certain cinéma moderne) y défilait à un rythmehebdomadaire.

Chaque dimanche soir, puis chaque vendredi soir,résonnaient ainsi dans beaucoup de chaumières nationales ce générique quifaisait défiler un choix de photographies suggestives en noir et blanc au sonde l’orgue limonaire d’Amour et printemps,d’Emile Waldteufel, que suivait la présentation concise et mystérieuse du filmpar Claude-Jean Philippe. Du Mabuse,de Fritz Lang, aux Quarante tueurs,de Samuel Fuller, en passant par les cycles Sternberg, Buñuel, Avery, Lubitsch,Renoir, Welles, Hitchcock, Rossellini…

Untimide à la voix éraillée

Allons plus loin, et rendons à l’absent l’hommagequi lui est dû : ce n’était pas seulement les films que « nous » (si l’on peutse permettre cette note personnelle) attendions chaque dimanche ou vendredisoir. C’était aussi Claude-Jean Philippe lui-même, ce personnage qui semblaitsorti, comme tout cinéphile digne de ce nom, des sous-sols de la Cinémathèquefrançaise, le costume froissé mais les poches pleines de trésors inconnus, devisas à foison pour des mondes insoupçonnés et merveilleux.

Oui, c’était ce timide à la voix éraillée, aux yeuxpochés, à la toux inextinguible, au phrasé doux et susurré, à la malicegourmande que nous attendions aussi, dans le vague cousinage que Philippesuggérait avec l’inquiétant et génial acteur Peter Lorre. Attente au demeurantavivée lorsque l’émission fut présentée à la fin du magazine littéraire« Apostrophes ». Bernard Pivot, pape flegmatique du débat littéraire,y cédait en fin de partie pour quelques minutes la parole à l’histrion duseptième art en donnant régulièrement l’impression, depuis le ciel des lettresfrançaises, de se moquer gentiment de lui. Le critique Serge Daney le remarquaet s’en irrita. Il avait tort. Philippe s’en sortait grâce à une maladresse quisurpassait en ferveur amoureuse pour son art les débatteurs qui l’avaientprécédé.

Devenupar cette apparition télévisuelle une sorte de mythe à quoi on l’a réduit,Claude-Jean Philippe souffrit sans doute un peu d’être moins reconnu pour lesnombreux documentaires sur le cinéma qu’il tourna. Quelque chercheur de perlesrares nous signale que sa participation comme scénariste à la série téléviséepolicière « La Brigade des maléfices » (réalisée par Claude Guillemoten 1970) mérite une très honorable mention.

L’homme reste assez mystérieux. Né Claude Nahon le20 avril 1933 à Tanger, au Maroc, dans une famille juive, sa jeunesse sedéroule à Casablanca. Perdant la nationalité française en 1940 en raison desdécrets anti-juifs du gouvernement de Vichy, il accueille avec transport lesAméricains qui débarquent en 1942. Il a 10 ans. Il découvre le Coca-Cola, lechewing-gum, le cinéma. Il fonde, à 18 ans, son premier ciné-club au cinéma LeLynx. A 21 ans, en 1954, il découvre la métropole, s’inscrit à l’Institut deshautes études cinématographiques (Idhec) pour devenir non pas réalisateur maisprofesseur de cinéma. La transmission, plus que la création, est sa vocationprofonde. Il l’assumera encore à France Culture de 1976 à 1984, dans « LeCinéma des cinéastes », puis au ciné-club du cinéma L’Arlequin, à Paris,où il célébrera, pendant plus de vingt ans, chaque dimanche matin à onzeheures, une messe cinéphilique particulièrement suivie.

Claude-JeanPhilippe en quatre dates

20avril 1933 Naissance à Tanger (Maroc).

1971 Crée le « Ciné-club » avec Patrick Brion sur l’ORTF.

1976 « Le Cinéma des cinéastes » sur France Culture.

11septembre 2016 Mort à Paris.

 

AnneGoscinny : « Publier son père mort et génial, une granderesponsabilité »

La fille de René Goscinny a crééIMAV, maison d’édition qui publie « Le Petit Nicolas » et« Iznogoud ». Après avoir écrit sept romans pour adultes, elle s’estlancée en 2018 dans la littérature jeunesse avec la dessinatrice Catel.

Propos recueillispar Raphaëlle Leyris  Publiéle 04 avril 2019

Sa fille unique avait 9 ans lorsque RenéGoscinny est mort d’une crise cardiaque. Depuis qu’elle est adulte, AnneGoscinny entretient la mémoire de l’œuvre paternelle ainsi que son rayonnement.En 2002, elle a publié son propre premier ­roman,  Le Bureau des solitudes (Grasset). Six ouvrages, à la tonalitéautobiographique, ont suivi. En 2018, elle a fait son entrée sur la scènejeunesse avec  Le Monde de Lucrèce, dont les aventures sont ­illustrées par ladessinatrice Catel. On y suit Lucrèce, qui vient d’entrer en 6 e – mais, comme Nicolas, elle n’est pas appelée àgrandir. Ce sont des histoires de son quotidien, doucement loufoques, qui sont ­retracéesdans chacun des volumes. Le troisième vient de paraître.

On présente souvent le Petit ­Nicolas, votre aîné de neuf ans,comme votre grand frère. Mais il est bien plus que cela, puisqu’il n’a pas jouéun mince rôle dans la rencontre de vos parents…

Mes parents se sont rencontrésen 1964, lors d’une croisière que chacun d’eux faisait avec sa mère. Monpère a eu un coup de foudre pour cette Niçoise ravissante. Afin d’attirer sonattention, pendant une semaine, il a scrupuleusement salé et poivré les fleurssur la table du restaurant, avant de les manger. Elle ne voyait pas du tout quiil était. Il se trouve qu’il avait sur lui des livres du Petit Nicolas ;il les lui a donnés. Et c’est donc sur la foi de ceux-ci, et pas des aventuresd’Astérix  oude Lucky Luke, qu’elle a pu constater qu’elle avait rencontré un génie. Parmiles raisons pour lesquelles je suis sur cette terre, on peut donc dire qu’il ya le Petit Nicolas.

Ce sont aussi les seuls livres de votre père que vous ayez pulire de son vivant…

Il m’a offert les deux volumes duPetit Nicolas parus chez Denoël, un bleu, un orange. Le reste de son ­travailétait dans la bibliothèque de son bureau, fermée à clé, parce qu’il avait lespremiers exemplaires, ce qu’on appelle les justificatifs, qu’il voulaitprotéger des mains dangereuses d’un enfant. J’ai lu LePetit Nicolas avec la même application que celle que je mettais àlire la comtesse de Ségur, en me jetant dans les histoires, sans me préoccuperdu fait que mon père les avait écrites. Ça n’avait aucune importance à mesyeux. Heureusement, car cela en a pris tellement après ! Par la suite,j’ai noué un rapport très particulier avec cette œuvre-là : je me suislongtemps imaginé qu’avec ­Nicolas, il me racontait un peu son enfance, cequ’il n’avait pas eu le temps de faire. C’est une œuvre ­importante dans maconstruction.

En 2004, vous avez créé la maison d’édition IMAV, qui éditel’œuvre de votre père et qui a publié au fil des ans trois tomes d’histoiresinédites, entre autres. Etait-ce une évidence ?

La question que je me suis poséeétait : est-ce que, si ces histoires n’ont pas été publiées en album,c’est parce qu’elles étaient moins bonnes que les autres ? Je ne voulaispas prendre la responsabilité de publier quelque chose que mon père n’auraitpas jugé au niveau. Je les ai donc lues avec l’œil le plus critique dont estcapable un enfant qui n’a pas terminé son Œdipe ­[rires]. Maisces histoires étaient d’aussi bonne facture que les autres. Sempé et mon pèreont arrêté Le Petit Nicolas en 1964,mon père est mort en 1977. Ils voulaient reprendre Nicolas, le mettre dansune école mixte, au goût du jour… Ils n’en ont pas eu le temps. Se ­retrouverdans la situation de ­publier son père mort et génial, c’est sans doute la plusgrande responsabilité qui m’ait été donnée.

Vous avez écrit sept romans pour adultes avant de vous ­lanceren 2018 dans la littérature jeunesse avec « Le Monde deLucrèce », en compagnie de la dessinatrice Catel. Qu’est-ce qui vousa décidée à vous engager à votre tour sur cette voie ?

J’ai rencontré Catel parce qu’elleprépare une biographie graphique de mon père, à paraître chez Grasset en août.On est devenues très amies. Un jour, elle me dit : “Tu es beaucoup plus drôle dans la vie que dans tesbouquins sinistres ! Pourquoi tu n’écrirais pas un trucdrôle ?” J’ai répondu quelque chose sur le fait que, quand onest l’enfant de Mozart, on ne se lance pas dans le requiem… Et puis j’ai changéd’avis, je lui ai envoyé par mail deux histoires qu’elle a illustrées, et qu’ona adressées à Gallimard Jeunesse. Ils ont signé pour trois livres, et à nouveaupour trois autres. Cela tient vraiment à ma rencontre avec Catel.

Y a-t-il une parenté entre ­Lucrèce et Nicolas ?

C’est une œuvre que j’ai tellement lueque j’ai évidemment intégré beaucoup de ses codes. Par exemple l’inversion desrôles entre parents et enfants. Souvent, dans LePetit Nicolas, ce sont les seconds qui ramènent les premiers à laraison. Dans Lucrèce, j’ai créé une grand-mère que sa petite-fille n’arrête pasde recadrer. On m’a beaucoup sollicitée pour que LePetit Nicolas continue. Plutôt que de le reprendre, j’ai choisi de lecontinuer autrement. Du reste, Lucrèce a un cousin qui s’appelle ­Nicolas, quise prend au sérieux parce qu’il a un grand-père très célèbre. C’est une manièreun peu détournée de continuer. Sans reprendre Nicolas, j’ai élargi sa famille.

Lucrèce, au fond, représente ma façond’être fidèle à mon père, de me rapprocher de lui, et c’est pour ça que cepersonnage est vraiment devenu important. Ce qui me manque, au-delà duraisonnable, c’est qu’il ne pourra jamais lire ce que j’écris, ni me dire qu’iltrouve ça chouette.

« LeMonde de Lucrèce. 3 », d’Anne Goscinny et Catel, Gallimard Jeunesse,192 p., 12,50 €. Dès 8 ans.

Raphaëlle Leyris

 

A60 ans, le Petit Nicolas a à peine vieilli

Lepersonnage de Sempé et Goscinny et ses chouettes copains restent une sourced’inspiration pour les auteurs jeunesse d’aujourd’hui.

Par Francis Marmande  Publié le 04 avril 2019

Le Petit Nicolas n’a qu’un prénom. Ses ingénieurs, Jean-JacquesSempé et René Goscinny, laissent tomber le leur quand vient la gloire. Sempéest né à Pessac (Gironde) le 17 août 1932 et Goscinny,  le14 août 1926 à Paris 5e.

Le Petit Nicolas n’a pas d’âge. Sonécole (de garçons) n’est même pas celle de Sempé et Goscinny. C’est une école rêvéesur fond de réel, avec un groupe de chouettes copains très cartographiables,des bagarres sans drame, un ballon, la planète des mômes et celle des adultes.

1959 est l’année des premières photosde la face cachée de la Lune. Le 29 mars, SudOuest dimanche  publie LesAventures du Petit Nicolas. Mise en page futuriste, ni BD, ni bulles, nitexte illustré : un mélange inédit, étonnant, détonnant, qui chamboulel’imaginaire de l’Aquitaine. Ping-pong du texte au dessin. Un dessin neremplacera jamais un éditorial. Mais un dessin défie la pensée et, en cette findes années 1950, nombre de dessins ont une drôle d’avance sur les supports quiles ­accueillent. HenriAmouroux  demande à Jean-Jacques Sempé et René Goscinny de reprendre« Le Petit Nicolas ».

Car, comme toute naissance, celle-ci a eu desantécédents : une BD sous ce titre publiée dans  Moustique (Belgique), un gag par planche – vingt-huitplanches entre 1955 et 1956. Elle est née de l’amitié entre les deux jeunesgens.  « Un jour, dit Sempé , j’ai rencontré René Goscinny, qui venait de débarquer des Etats-Unis. Onest devenus copains tout de suite. J’avais 21 ans, il devait enavoir 27. C’était mon premier ami parisien, autant dire mon premierami. »

Desgarnements et des torgnoles

Sempé court alors le cacheton en ­tentantde placer ses dessins. Toujours à bicyclette. Goscinny l’Américain (depuis saplus petite enfance en Argentine, puis à New York avec sa mère) a déjà unpedigree de scénariste. Mais il rame. Pendant la guerre, une partie de safamille est à l’abri en Argentine. Celle restée en ­Europe est décimée par laShoah. A son retour en France, il fait le tour des éditeurs pour caser sesdessins. Refus. C’est en scénariste qu’on le reconnaîtra. Il fait alors équipeavec tous ceux qui comptent, ou plutôt qui compteront.

Sempé : « A la fin des années 1950, je travaillaisavec une agence à laquelle collaborait également René Goscinny. Un jour, unhebdomadaire belge a besoin du dessin en couleurs d’un garnement. Je file chezmoi, je fouille dans mes dessins, je trouve l’esquisse d’un galopin. Reste àlui trouver un nom. En route vers mon rendez-vous, je vois une affiche des vinsNicolas, qui est également le prénom de mon fils. Voilà pour le baptême. » « Garnement »,« galopin », même les termes qui le désignent ont plus vite vieillique Nicolas.

Sempé, qui n’est pas à l’aise dans lephylactère, montre à Goscinny son Nicolas – ligne claire, air décidé, cheveux en­bataille, pantalons courts, démarche hardie, et ce sourire de la pure joied’exister. Il lui raconte une école, l’école, enfin, pas son école à lui,encore que… Il brode sur la vie d’un jeune couple avec un enfant. Plus levoisin râleur. Rien d’autobiographique. Comment pourrait-on avoir la nostalgiede parents poivrots qui se ­battent, et des torgnoles ? Goscinny ­traduitles historiettes en « petitnicolas ». Leduo signe Sempé et Agostini dans Moustique.

Musiquede la syntaxe

Après une première planche le16 septembre 1955, le 29 mars 1959 fait figure de véritablemise au monde. Maquette superbe. Le Petit Nicolas n’est pas bien grand. Il ason corps définitif. Autour de lui ? Se reporter au reste dujournal : deuxième année du gaullisme, « événements » d’Algérie,Castro au pouvoir… A Cannes, Truffaut remporte le prix de la mise en scènepour Les QuatreCents Coups.  Queneau publie Zaziedans le ­métro. Etranges échos. La langue qu’invente Goscinny pourrestituer Sempé, c’est une musique. Rien d’imitatif ou de poussivement« peuple ». Une musique de la syntaxe. On rit entre les mots.

En octobre 1959, le Petit Nicolasfait son entrée dans un nouveau journal, Pilote, oùGoscinny publie Astérix le Gaulois.En 1960, dix-neuf histoires sont réunies par Denoël dans Le Petit Nicolas. Les ­dessins de Sempé ?Ils n’illustrent rien, ils font signe au texte qu’ils relancent. Questiononomastique, Goscinny a la virtuosité bouffonne. Alceste (le gros qui mangetout le temps), Geoffroy (son papa est très riche), Rufus, Eudes, ­Clotaire,Maixent, Joachim, Agnan (le ­lèche-cul à binocles), mais où ont-ils dégotté cegénérique ? Seul Nicolas a un prénom « normal ». En pleineexpansion, d’ailleurs, à partir de 1961. Sur la photo de classe, entre Rufus etEudes, on relève la présence d’Aldebert, un dessinateur qu’admirait Sempé.Bernard Aldebert (1909-1974) avait été arrêté par la Gestapo et déporté pour undessin satirique.

es recueils qui paraissent jusqu’en 1964 (Les Récrés du Petit Nicolas, Les Vacances du PetitNicolas, Le Petit ­Nicolas et les ­copains, Joachim a des ennuis)connaissent un grand succès, ce qui n’empêche pas Sempé et Goscinny ­d’arrêtercette ­année-là. Quarante ans plus tard, Anne Goscinny déniche des ­dizainesd’histoires inédites dans les archives de son père. Triomphe pour les trois ­recueilspubliés ! Sans grandir, le Petit Nicolas n’a pas d’âge, mais il a del’avenir.

PARUTIONS

« Le PetitNicolas fait la fête ! »,   de Goscinny et Sempé, IMAV, 104 p.,19,90 €.

Dans ce recueil collector de dixhistoires festives, on célèbre les anniversaires de Papa, de Clotaire et deMémé ; on assiste à la distribution des prix (les cheveux pleins debrillantine) ou au mariage de la cousine Martine, et on écume les goûters.

« LePetit Nicolas. Cahier de dessin animé »,   Editions ­Animées, 40 p., 22 €.

Après avoir colorié les dessins duPetit Nicolas, il faut les prendre en photographie avec l’application gratuiteBlinkBook pour les voir se transformer en dessin animé.

« LePetit Nicolas, la bande dessinée originale », de Sempé et Goscinny, Foliojunior, 96 p., 6,90 €.

L’enfance du Petit Nicolas : saversion originelle, en bande dessinée, 28 planches publiées dans le journalbelge Moustique.

Francis Marmande

 

 

Goscinny,un auteur aux traits de génie

LeMusée d’art et d’histoire du judaïsme consacre une rétrospective au pèred’Astérix, disparu il y a quarante ans.

Par Frédéric Potet  Publié le 27 septembre 201 7

René Goscinny, qui aimait l’autodérision et les ­anachronismes,avait un point commun avec Victor Hugo : l’Histoire a davantage retenu sesécrits que ses dessins. Le créateur d’Astérix crut pourtant longtemps, jusqu’àl’âge de 30 ans, qu’il pourrait mener une carrière dans les artsgraphiques, avant de se consacrer exclusivement au scénario. Peut-être mêmeaurait-il persévéré dans ce domaine s’il n’avait pas croisé, pour illustrer seshistoires, une génération de génies du trait, nommés Uderzo, Morris, Sempé,Franquin, Gotlib, Alexis. Le genre de types qui vous poussent, fatalement, àranger vos crayons.

Si larétrospective que lui consacre le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ)  àl’occasion du 40e anniversaire desa mort se garde bien d’extrapoler sur quel dessinateur il aurait pu devenir,l’accrochage n’en montre pas moins un Goscinny épris d’images et passionné parla chose imprimée. Un Goscinny doté d’un « œil » averti, qu’il mit auservice des différentes publications qu’il dirigea parallèlement à son travaild’écrivain.

Humourpotache et caricature

Né à Paris en 1926 dans unefamille juive d’imprimeurs ukrainiens, le futur humoriste ne pouvait sans doutepas échapper au destin de ceux qui passent les premiers instants de leur viedans les odeurs d’encre et le bruit des presses. Ce n’est toutefois pas àParis, mais à Buenos Aires, où son père avait trouvé un travail, qu’il publierases premiers dessins, pour les bulletins internes du collège français, Notre voix et Quartierlatin. L’adolescent manie alors l’humour potache et la caricature, commele montrent ses portraits d’Hitler et de Mussolini, réalisés au début de laguerre, alors qu’une partie de sa famille disparaît dans les camps. « J’avais envie de faire rire les gens et jene savais pas trop par quel bout prendre la chose. (…) Comme j’aimais dessiner, j’ai pensé que ledessin était la façon la plus évidente », expliquera-t-il plus tard.

Poussé par l’envie de travailler dans le cinémad’animation, il se rend à New York, en 1945. Son projet : rencontrerWalt Disney en personne, «  mais Walt Disney n’en savait rien », s’en amusera-t-il. A la place, il fait la connaissanced’une petite bande de dessinateurs irrévérencieux, rassemblés autour d’HarveyKurtzman, le futur créateur du magazine  Mad. Goscinny est engagé dans une petite maisond’édition spécialisée dans les ­livres pour enfants et les cartes postales. Ilréalisera notamment des mini-livres puzzles pour les tout-petits : ce serason unique collaboration avec Kurtzman.

Son style n’est pas encore affirmé, il balance entre plusieursinfluences, à une époque où la bande dessinée s’émancipe elle-même des canonsgraphiques définis par Disney. A New York, Goscinny va faire une autrerencontre décisive. Deux dessinateurs de BD belges ont traversé l’Atlantiquedans l’espoir, identique au sien, de se frotter au cinéma d’animation :Jijé et Morris, qui a déjà créé le cow-boy Lucky Luke. Son personnage à lui estun détective du nom de Dick Dicks. Goscinny en a réalisé dix-neuf pages qu’ilprésentera plus tard, à Paris, à Georges ­Troisfontaines, le patron d’uneagence de presse pompeusement appelée la World Press, dont l’activité est defournir des contenus dessinés à des maisons d’édition telles que Dupuis. C’està la World Press qu’il croisera un certain ­Albert Uderzo, fils d’immigréscomme lui, mais italiens.

De retour à New York, Goscinny prendalors la tête de TV Family, unmagazine télé que Dupuis veut implanter aux Etats-Unis. Présentées au MAHJ, lescouvertures, commandées à des dessinateurs très influencés par Norman Rockwell,témoignent d’un goût affirmé pour la composition et le décalage. L’expériencesera de courte durée, mais déterminante : le dessinateur s’est mué endirecteur ­artistique ; il deviendra bientôt scénariste, à la demande des ­dessinateursà qui il proposera des histoires. « Lesscénarios étaient hilarants, mais comme on lui demandait de plus en plus descénarios et de moins en moins de dessins, il a compris que sa vocation étaitle scénario », dira Morris, qui fut l’un des premiers à faire appel àlui, afin de donner du sang neuf à Lucky Luke. La suite est connue : lacréation d’Astérix, du Petit ­Nicolas, d’Iznogoud, des Dingodossiers… Et lelancement de Pilote, où son appétitpour le dessin le conduira à engager des artistes aussi différentsstylistiquement que Giraud, Bretécher, Mandryka ou Druillet.

« Hommede l’imprimé »

Dans l’exposition du MAHJ, lacommissaire Anne-Hélène Hoog compare Goscinny à un zetser– le typographe, dans la tradition juive. « Lejeune dessinateur, écrit-elle dans le catalogue, s’est effacé pour laisser place à cette autre partde lui-même, le rédacteur de textes et l’homme de l’imprimé, de l’écriture etdu récit, de la création de la phrase et de la gestation de son incarnationmatérielle. »

Son expertise de la mise en pagevaudra d’ailleurs à Goscinny une reconnaissance élargie aux métiers del’impression. A Pilote, leresponsable de la maquette et de la fabrication, Guy Jitton, un ancientypographe, l’appelait lui aussi « patron »,ce qui était un sacré « compliment »,comme le raconte Guy Vidal, qui lui succéda à la tête du magazine, dans René Goscinny, profession : humoriste (Dargaud,1997). On oublierait presque que le père de l’irréductible Gaulois donna à sonhéros un nom dérivé d’un symbole typographique : l’astérisque.

Frédéric Potet

 

Goscinnydessiné par sa bande

Unlivre rappelle que le père d'Astérix a aussi été un personnage de BD. Une façonpour les dessinateurs de dire qu'il est le maître du neuvième art.

Par Amaury da Cunha  Publié le 06 décembre 2012

René Goscinny est un des écrivains français les plus lus aumonde : 500 millions de livres vendus, le plus souvent des BD cosignées avec undessinateur. A son actif,le Petit Nicolas, Astérix, Lucky Luke, Iznogoud...C'est "le Paulhan de la BD",écrivent Les Nouvelles littéraires, àsa mort, à 51 ans, en 1977. Quand le scénariste aux multiples visages s'éteintbrutalement, à la suite d'un test d'effort effectué dans le cadre d'un bilan desanté, Hergé déclare : "Tintin s'inclinedevant Astérix."

Goscinny est un homme-puzzle qui nesemble pas toujours former un tout dans l'esprit de ses admirateurs. Tout lemonde connaît les formules "tirer plus vite que son ombre","être tombé dedans quand on était petit", "vouloir être calife àla place du calife", mais beaucoup ignorent qu'elles sont sorties del'esprit de Goscinny. "L'homme et sapersonnalité ne sont pas encore reconnus à leur juste valeur", penseMichel Lebailly, de la Librairie René Goscinny, à Paris, et auteur d'unbulletin périodique sur l'oeuvre du scénariste.

On sait peu, par exemple, queGoscinny, fondateur du magazine Pilote, alui-même été croqué par une centaine de dessinateurs - aucun autre scénaristen'a eu ce privilège. C'est une façon de lui rendre hommage et de direl'influence qu'il a exercée. On prend la mesure du phénomène avec le beau livre René Goscinny. Mille et un visages, qui réunitpas moins de 460 caricatures du scénariste par plus de 90 dessinateurs, de 1940à nos jours. Retrouver son visage, son allure, sa corpulence, permet en partiede recoller les morceaux d'une identité aux multiples facettes. Si l'hommeétait discret et d'une pudeur exacerbée, le tycoon de la BD a été représentésous des formes les plus variées et les plus saugrenues : matelot sans grade,empereur romain, marchand palestinien, représentant de commerce, chef indien,cow-boy à la gâchette timide, extraterrestre, homme préhistorique...

"J'ai une tronche qui a beaucoup inspirémes confrères... J'apparais dans de nombreuses histoires où je joue un tas de rôles" , reconnaissait-il. Mais pas celui du beau gosse glamour. "Il n'était pas joli, mais il avait un sourireà tomber par terre", raconte Claire Bretécher. Le premier às'intéresser à ce visage joufflu doté d'irrésistibles fossettes, c'estlui-même. Car avant d'être écrivain, Goscinny se rêve dessinateur. Dans sonadolescence, sillonnant l'Amérique du Sud, puis débarquant à New York en 1945 - "J'étais parti aux Etats-Unis pour travailler avec Walt Disney, maisil n'en savait rien" -, Goscinny dessine son visage jovial, unpeu ingrat, sur les pages de garde de ses carnets. C'est l'autodérision quil'emporte et qui restera une constante.

"Private jokes"

En arrêtant de dessiner pour écrire,René Goscinny passe le flambeau à ses dessinateurs : ils s'en donnent à coeurjoie pour le représenter. "QuandGoscinny est utilisé comme personnage de fiction par Uderzo ou Morris à leursdébuts, il s'agit de private jokes entrecomplices", explique José-Louis Bocquet, biographe de Goscinny. Maiscette manie va bientôt devenir un gag récurrent, et la figure de Goscinnys'impose dans la bande dessinée.

En 1959, quand il fonde Pilote, toute l'équipe de dessinateurs val'intégrer, à tour de rôle, aux histoires : comme rédacteur en chef colérique,patron de presse, héros de fiction... Hommage ? Admiration ? Amusement ettendresse, surtout. "C'est Greg, avec AchilleTalon, dès 1963, qui installe lepersonnage de Goscinny comme figure tutélaire du journal, raconteJosé-Louis Bocquet. Ce principe duleitmotiv - cher à l'humour goscinnien - contamine les autres pageshumoristiques du journal. Il ne faut pas y voir une allégeance au boss, mais, par le biais du gag récurrent, unepasserelle supplémentaire vers le lecteur."

Rencontrer aujourd'hui le dessinateurMarcel Gotlib, camarade de Pilote,pour qui Goscinny écrivait les textes hilarants des Dingodossiers,permet de se rendre compte que, trente-cinq ans après sa mort, lareconnaissance et l'admiration sont toujours là : "Onadorait le dessiner, d'abord car il avait un style complètement décalé avecl'époque. La mode, c'était de se fringuer n'importe comment. Les fleurs,Woodstock, quoi. Et lui était toujours en costard-cravate-gilet. Impeccable !Le dessiner, c'était une manière de lui rendre hommage : il nous avait tousdécouverts. Sans lui, je serais sans doute resté à croupir dans leruisseau."

René Goscinny savait bien qu'ilsuscitait des passions. Mais il regardait toute cette agitation à distance,avec une sagesse flegmatique qui lui était propre. "Malégende, selon le cas, m'amuse, m'indiffère, ou m'agace",confiait-il. Car l'"antibeauf",comme l'a décrit Cabu, avait en têteun devoir plus fort que tout : utiliser son image pour être l'ambassadeur du 9e art. En 1985, à l'occasion d'unhommage, Morris l'a dessiné en Statue de la liberté, une machine à écrire sousle bras. Une seule phrase accompagne le dessin — une phrase tendre et vraie : "A René Goscinny, la BD reconnaissante".

Amaury da Cunha

 

Goscinny,l'enfant qui aimait la mer

Unpeu plus de trente ans après sa mort, alors que le film "Astérix et lesJeux olympiques" s'inspirant de son héros s'apprête à conquérir desmillions de spectateurs, l'art et la personnalité de René Goscinny continuentd'intriguer et de fasciner.

Par Yves-Marie Labé  Publié le 24 janvier 2008

Un peu plus de trenteans après sa mort, alors que le film Astérix et les Jeux olympiques  s'inspirantde son héros s'apprête à conquérir des millions de spectateurs, l'art et lapersonnalité de René Goscinny continuent d'intriguer et de fasciner.

Récemment est paru Goscinnyet moi , recueil de témoignages collectés par José-Louis Bocquet auprès d'unetrentaine de ses amis (Cabu, Fred, Jean-Claude Forest, Enki Bilal, AnnieGoetzinger...). Morris raconte les facéties new-yorkaises que lui jouaient,excusez du peu, Goscinny et Harvey Kurtzmann, futur fondateur de Mad .Claire Bretécher explique que le cocréateur d'Astérix l'appelaitdélicieusement "Mademoiselle"  et parle de "sonétrange ouverture d'esprit dans une profession qui n'était pas caractérisée parcela" . Sempé évoque l'attachement éperdu que Goscinny vouait au PetitNicolas,  tandis que François Verny l'érigeait en "l'un des deuxplus grands créateurs de la BD, avec Hergé" tout en s'interrogeant sur le"complexe de la BD" qu'il éprouvait.

Le "complexede la BD"  de cet auteur qui, du haut de ses 320 millions d'albumsd'Astérix, se rêvait écrivain, l'historien Pascal Ory le cite aussi, dans sapassionnante biographie René Goscinny, la liberté d'en rire . Sefondant notamment sur les archives personnelles et familiales que lui aouvertes Anne Goscinny, fille du cocréateur d'Astérix, Pascal Ory parcourt enévitant les pièges hagiographiques ces cinquante et un ans d'une vie vouée autravail de scénariste de BD, sans lequel celle-ci ne serait pas ce qu'elle estaujourd'hui.

Le petit René avaitexpliqué à son père vouloir "faire un métier rigolo" .Plus tard, il racontera : "Un jour, j'ai entendu un grand anciendire "le métier de scénariste ? C'est à la portée du premier imbécile venu!" J'ai compris que j'avais trouvé ma voie."  Elle passe parl'Argentine, que ce fils de juifs polonais et russe découvre avec ravissementavant d'être éreinté par le moloch new-yorkais puis de débarquer en Belgique,alors "Mecque" de la BD. Trois pays, trois cultures dont cet écorchévif, ce bon vivant aussi, nouera les fils, tissant des scénarios pétris d'humour,de dialogues et de jeux de mots mémorables - Oumpah-Pah, Lucky Luke, Modeste etPompon - avant de créer "sa" grande oeuvre, Astérix, avec unautre "immigré de la deuxième génération" , Albert Uderzo.Mais avant de croiser le succès, d'avoir sa "Poularde RG" au restaurantparisien de la Tour d'Argent, Goscinny se bat pour les droits d'auteur, pour lareconnaissance du travail de scénariste, voire, pour ce juif non pratiquantdont la judéité fut longtemps ignorée de ses proches, contre l'antisémitisme.

L'homme était pudiqueet généreux à l'excès, comme le souligne son frère de coeur Uderzo dans sonautobiographie Albert Uderzo se raconte .Mais il connaissait aussides tempêtes, comme tout amoureux de la mer qui se respecte. Goscinny, quifaillit être marin, adorait les traversées transatlantiques. Il poussa l'amourde la mer jusqu'à rencontrer l'amour de sa vie, Gilberte, au cours d'unecroisière et de signer un roman intitulé Tous les voyageurs à terre... Leconflit à Pilote, en mai 1968, les coups qu'on infligea à ce "patron"  qu'onlui reprochait d'être, lui qui l'était si peu, l'incitèrent à s'intéresser aucinéma, à Astérix et à la vie qui va, dont témoignent ses chroniques destinéesà Match, L'Os à moelle ou au Figaro littéraire, réunies dans DuPanthéon à Buenos Aires . Puis celui qui confiait : "Je n'aijamais été gaulois, ni cow-boy, j'ai été un enfant"  disparut dansles bourrasques de l'automne 1977.


GOSCINNY ET MOI,TÉMOIGNAGES  de José-Louis Bocquet, Flammarion, 396 p., 22 €.

GOSCINNY, LA LIBERTÉD'EN RIRE  dePascal Ory, Perrin, 308 p., 20,50 €.

ALBERT UDERZO SERACONTE.  Stock,288 p., 19,50 €.

DU PANTHÉON À BUENOSAIRES, CHRONIQUES ILLUSTRÉES  de René Goscinny, IMAV éd., 110 p., xx€.

Yves-Marie Labé

 

 

RenéGoscinny, Astérix et le judaïsme

Publié le 12 février 2004

Il est desinsinuations avec lesquelles René Goscinny ne badinait pas. Dans un entretienaccordé en 1974 à L'Express , le scénariste d'Astérix  mitainsi les choses au point à propos du supposé chauvinisme du célèbre petitGaulois : "On a fait de moi "le chantre du Françaismoyen", xénophobe, chauvin. Et raciste de surcroît. Alors qu'une partie dema famille est morte dans les camps de concentration ! Ce sont des accusationsque je ne supporte pas."  Les camps nazis, l'Holocauste, lareligion ou le conflit isréalo-palestinien : sur tous ces sujets, René Goscinnyfut toujours d'une extrême réserve. Dans les centaines de pages que cescénariste de BD prolifique a écrites, le mot "juif" est rarissime.

"Mon père parlaitpeu de ses origines juives, cette identité faisait partie de lui" , atteste sa filleAnne dans René Goscinny, profession humoriste  (Dargaud-Editeur). "Renéétait d'une extrême pudeur. Ce n'est qu'après son mariage que j'ai entendu pourla première fois mon vieux copain me raconter des blagues juives avec un accentyiddish savoureux" , confie Albert Uderzo, le dessinateur d'Astérix ,qui reprendra, seul, ses aventures après la mort de René Goscinny, en 1977.

"C'est un sujetdélicat car, toute sa vie, Goscinny avait considéré sa judéité comme uneaffaire privée" , expliquait pour sa part l'écrivain-journaliste DidierPasamonik, lors d'une conférence donnée le 15 janvier à l'Alliance israéliteuniverselle, à Paris, sur le thème "René Goscinny : le secretd'Astérix". Il devrait constituer l'un des chapitres du livre LaDiaspora des bulles , en préparation aux éditions Jacques Glénat.

HYPOTHÈSES ETPOLÉMIQUES

A partir de sourcesprivées et d'archives, Didier Pasamonik dessine la filiation du"père" d'Astérix. Les parents de René Goscinny, Stanislas et Anna, sesont mariés en 1919 à Paris, après que leurs familles eurent quitté la Pologneet l'Ukraine, pour échapper à la relégation et à la répression tsaristes.Stanislas est chimiste. Franc-maçon, ce rationaliste polyglotte a beaucoupvoyagé : France, Mexique, Tunisie et Argentine, où il réside de 1926 à 1944,avec femme et enfants. Il y fut envoyé par la Jewish Colonization Association(JCA, fondée par le baron philanthrope Maurice de Hirsch). La mère de René,Anna, était la fille d'Abraham Béresniak, imprimeur et éditeur dans le Paris del'avant-guerre de plusieurs journaux yiddishophones et auteur du Dictionnaireétymologique yiddish-hébreu , chef-d'œuvre d'érudition et bijoutypographique.

C'est dans ce berceaufamilial, lettré et rationaliste, solidaire de la cause juive mais nonpratiquant, que grandit René Goscinny. Il manifeste toutefois réserve etdistance à l'égard du fait juif - il aurait refusé une proposition de l'Officede tourisme d'Israël de faire voyager Astérix en Terre sainte -, et récuse avecforce toute appartenance à une quelconque obédience, religieuse, politique ouautre. Mais René Goscinny ne transige pas avec l'antisémitisme ni avec leracisme.

Les hypothèses et lespolémiques sur l'inspiration juive d'Astérix  sont légion : ledruide Panoramix serait une figure du rabbin ; le barde Assurancetourix seraitinspiré du hazan  (chanteur accompagnant l'office religieux),et le village gaulois serait la reconstitution d'un shtetl. Selon AlbertUderzo, "toutes les interprétations sont possibles" , maisc'est surtout l'humour de René Goscinny qui caractériserait sa judéité,cet "humour juif, qui fait du rire avec des larmes" .

Yves-Marie Labé

 

 

"Pif"et "Goscinny"

Plongéedans l'histoire de "Pif Gadget" et parmi les 2 310 personnages conçus par René Goscinny.

Publié le 20 novembre 2003

PIF GADGET : LAVÉRITABLE HISTOIRE (Des origines à 1973)  deRichard Médioni. Ed. Vaillant-Collection, 200 p., 25 €.
LE DICTIONNAIRE GOSCINNY sousla direction d'Aymar du Chatenet. Ed. Jean-Claude Lattès, 1 248 p., 38 €.

Comme Tintin, Pilote ou (ASuivre),magazines de bandes dessinées tombés au champ d'honneur au milieudes années 1980, Pif Gadget demeureun titre mythique, même s'il survécut aux autres jusqu'en 1993.

Richard Médioni, qui en fut rédacteuren chef à partir de 1971, a écrit une histoire de ce magazine, successeur en1969 de Vaillant.Lancé en 1945,celui-ci était déjà l'héritier d'un autre journal, créé au sein de laRésistance, Le Jeune Patriote,d'inspiration communiste. En plus d'explications sur les liens entre le PCF etle journal Vaillant puis Pif, Richard Médioni décrit à la fois lefonctionnement et la création du gagdet - du "pifise" à "l'herbemagique", des "pois sauteurs du Mexique" au "sous-marin àréaction" - qui fera le bonheur de centaines de milliers de jeuneslecteurs et la bonne fortune du journal. Car Pif -dont l'un des principaux héros sera le "gagdog" Pif le Chien, créépar Arnal - atteindra des ventes records, 500 000 exemplaires en moyenne avecdes pointes à 1 million, alors que Vaillant dépassaitrarement les 40 000 exemplaires. Grâce aux fameux gadgets mais aussi à laqualité des BD proposées.

On y lisait les débuts de Gotlib et deson héros Gai-Luron, d'Hugo Pratt (il y fit naître Corto Maltese) et deMandryka, et de son Concombre masqué. Mais aussi les sagas fleuves d'auteurscomme Raymond Poïvet et ses Pionniers del'espérance, ou Lécureux et Rahan.Riche de témoignages, de 400 documents, photos et inédits, cette histoire de Pif Gadget est à la fois une sommehistorique et documentaire et un monument de nostalgie.

On pourra soigner cette dernière ens'extasiant devant le travail de bénédictin accompli par Aymar du Chatenet etson équipe. Dans Le Dictionnaire Goscinny,ils passent en revue les quelque 2 310 personnages créés par celui qui fut lepère d'une famille très nombreuse qui débordait de très loin les remparts duvillage gaulois d'Astérix.

Des Dingodossiers à Iznogoud, deOumpah-pah à Lucky Luke ou à Jerry Spring, René Goscinny, jamais avare d'uneidée ou d'un trait d'esprit prêté à un confrère de la BD, a créé despersonnages de fiction ou modelé des personnalités historiques oucontemporaines qu'il intégrait ensuite dans les aventures de l'un ou l'autre deses héros - qu'il s'agisse de Charlemagne, de François Mauriac ou de Micheld'Ornano. Tous possèdent leur fiche d'identité, indiquant leur genèse, lesrépétitions ou les échos entre albums et séries, etc. Ce qui donne uninventaire à la Prévert, fabuleux et poétique, et une foule d'anecdotes sur lescirconstances de la création de tel ou tel personnage.

Yves-Marie Labé

 

Bande à part

Par Philippe-Jean Catinchi  Publiéle 08 octobre 2004

CHACUN sait que les trois mousquetaires étaient quatre. Comme onne fait pas les choses à moitié chez les Sempé-Goscinny, ils sont deux foisplus nombreux les héros de la geste des cours de récré des années 1960 : Rufus,Clotaire, Joachim et Maixent, Alceste, Eudes, Geoffroy et Nicolas bien sûr, leplus célèbre des écoliers, dont l'inépuisable saga, inaugurée voilà plus dequarante ans, continue de faire référence, sitôt qu'on s'attache à lire lemonde à hauteur d'enfance. Avec les trouvailles faussement naïves et lesraccourcis fulgurants dont Goscinny n'a jamais été avare. De Lucky Luke - «L'homme qui tire plus vite que son ombre » - à Astérix et Obélix - « Ils sontfous ces Romains ! » - en passant par l'ignoble vizir Iznogoud - celui qui «veut être calife à la place du calife » -, ce scénariste de génie n'eut jamaisrecours à ces mots d'auteur, passés dans le langage commun, pour camper avecune touchante tendresse le petit monde de Nicolas.

Parues selon un rythme annuel(1960-1964), cinq anthologies des histoires publiées dès 1959 dans Sud-OuestDimanche ont assuré la durable fortune de la petite bande de Nicolas. Maisl'intégrale restait à venir. Avec Histoires inédites du Petit Nicolas (IMAVéd., 640 p., 26 €), les 80 épisodes manquants ressortent. Et l'enchantement estlà, intact.

Texte et dessin, la magie joue àplein. Avec une grâce nostalgique qui opérait sans doute dès les années 1970,quand la saga, initialement accueillie chez Denoël, fit une entrée remarquée enformat de poche, dans la jeune collection « Folio », mais dont on perçoit mieuxla force trente ans plus tard, tant la planète du Petit Nicolas semble exotiqueà l'ère du règne incontesté de la télévision et de la consommation de masse.

L'univers de Nicolas se résume àl'école et à la maison, à peine élargi aux domiciles de ses copains. De chezAlceste, le plus proche, qui envoie des salves de miettes et de postillonspuisque le meilleur ami de Nicolas mange tout le temps, à la maison deGeoffroy, somptueuse, avec une salle à manger « grande comme un restaurant » etune piscine « en forme de rognon, avec de l'eau toute bleue et des tas deplongeoirs ! ».

A peine sait-on ce que font lesparents, tant qu'un hasard ne les met pas en présence (ainsi Eudes et Nicolasse disputent-ils lorsque leurs pères se trouvent appelés à se croiserprofessionnellement). C'est en tout cas un monde urbain, où les mères sontsouvent à la maison, les pères au bureau - avec l'écho de la mythologie quis'en suit, de Gaston Lagaffe à Ma sorcière bien-aimée -, et les enfants endehors des préoccupations des adultes, sinon pour les questions d'autorité etd'éducation.

Ce monde, où les cours vaquent lejeudi, où la mixité n'existe pas encore dans les classes, où la meilleure récréest celle où la bagarre entre copains est la plus débridée, et où la peur dudirecteur compte moins que la peine qu'on craint de faire à ses parents, faitson âge. Celui de la France du président de Gaulle, paternaliste etautoritaire, où l'insouciance des enfants, pas plus que leurs bêtises, ne prêtepas à conséquence. A l'image des dissensions internes de certain petit villagegaulois...

Ce paradis miniature, universel àforce de réduction à l'essentiel vu de l'enfant des années 1960, neconvaincrait guère les sociologues d'aujourd'hui. Mais le trait, formidablementfrais et facétieux de Sempé, qu'on connaît ailleurs d'une poésie moins tonique,comme le ton, survitaminé, de Goscinny, se jouent des modes. Et Le PetitNicolas, si espiègle soit-il, est résolument un « classique » dont on saluera lafin des grandes vacances.

Philippe-Jean Catinchi

 

Goscinny,l'humain

Par YVES-MARIE LABE  Publié le 14 novembre 1997

GOSCINNY, BIOGRAPHIE de Marie-Ange Guillaume et José-LouisBocquet.

Ed. Actes Sud, 292 p., 118 F.

RENÉ GOSCINNY, PROFESSION HUMORISTE deGuy Vidal, Anne Goscinny, Patrick Gaumer.

Préface de Pierre Tchernia. Ed.Dargaud, 120 p., 145 F.

Le plus gaulois des héros de bandesdessinées, Astérix, avait pour « père » un infatigable voyageur, le contraired'un franchouillard ataviquement lié à son terroir et à ses coutumes. Elevé enArgentine où il passa dix-sept ans de sa vie et hérita d'une méfianceinstinctive pour les équidés et d'une horreur profonde pour tout ce quis'apparentait à la campagne, René Goscinny vécut aussi sept ans à New York, justeaprès-guerre.

Il tenta d'y faire carrière aprèsavoir rêvé de travailler pour Walt Disney, y connut la misère noire mais enprofita également pour se lier d'amitié avec plusieurs auteurs de BD attiréseux aussi par les lumières de Manhattan, comme Jean-Michel Charlier, JosephGillain ou Morris. Avant d'entamer la carrière qui consacra en lui un « as duscénario », auquel la BD actuelle doit en grande partie d'être devenue leneuvième art.

Vingt ans après le décès de RenéGoscinny, le 5 novembre 1977, deux livres anniversaires retracent la vie de cescénariste qui créa notamment le personnage d'Astérix, en 1959 dans Pilote, le« grand magazine illustré des jeunes », avec son complice, le dessinateurAlbert Uderzo. Les aventures d'Astérix se sont vendues depuis à 280 millionsd'exemplaires à travers le monde.

Le premier ouvrage est dû à Marie-AngeGuillaume, qui fut secrétaire de rédaction à Pilote et fait désormais figure despécialiste sensible de la BD contemporaine, et à José- Louis Bocquet, écrivainde romans noirs et journaliste. Plaisamment écrite et richement documentée,cette biographie de René Goscinny, petit-fils de rabbin et du premier rédacteurd'un dictionnaire yiddish-hébreu, révèle un homme « humain, trop humain ».

On l'accompagne dans son enfancelatino-américaine, alors qu'il fait ses premières armes dans la revue del'école française, Quartier latin, puis aux Etats-Unis, où il promeut déjà desauteurs de la BD franco-belge en vendant des anthologies de dessins de Fred,Siné, Sempé et Morez. On assiste à son retour en France un pays fantasmé ettellement exotique pour lui qui vécut le tiers de sa vie à l'étranger , à sesdémêlés avec la World Press, creuset de plusieurs générations de grands de laBD, puis à la création de Pilote.

René Goscinny s'intéresse à demultiples domaines, en touche-à-tout génial et inspiré : au scénario de BD biensûr (de Modeste et Pompon, avec Franquin, aux Dingodossiers avec Gotlib) à lachronique journalistique, au dessin de presse (il collabore avec Sempé etremodèle Gaudéamus dans Jours de France, à la demande de Marcel Dassault), audessin animé et au long métrage (avec Pierre Tchernia pour qui il écrit lesscénarios du Viager et des Gaspards). Cet amoureux des paquebots signe même un roman,Tous les visiteurs à terre, que vient de rééditer Actes Sud.

Mais, au fil de ce talentueuxpalmarès, la biographie de Marie-Ange Guillaume et José- Louis Bocquet livreaussi les diverses facettes de René Goscinny. Hypersensible mais d'une pudeurmaladive, celui qui, après avoir tiré le diable par la queue, s'était fait une« armure » de ses costumes taillés par Lanvin, était dévoré par l'envie d'êtreaimé. « Eternel émigrant à la poursuite d'un rêve », René Goscinny aimait fairela fête dans les bars et les restaurants des Champs-Elysées mais aimait surtoutque découvrir et faire connaître les nouveaux dessinateurs et scénaristesauxquels il croyait. L'un des auteurs français les plus lus mit ainsi au mondetous les grands de la BD actuelle, qu'ils s'appellent Mandryka, Gotlib,Bretécher, Druillet, Tardi, Mézières, Goetzinger, Pétillon, etc. « Un vraijournal ne doit pas suivre le goût de ses lecteurs mais le précéder », avaitcoutume d'expliquer le cofondateur de Pilote.

Aimable contrepoint à cette biographie,le second livre consacré à René Goscinny est signé d'Anne, sa fille unique, deGuy Vidal, ex-rédacteur en chef à Pilote et fidèle ami du créateur d'Astérix,et de Patrick Gaumer, auteur d'une monumentale histoire des Années Pilote. Enplus d'une remarquable mise en perspective iconographique des héros et desalbums imaginés par René Goscinny la liste des titres des ouvrages auxquels ilcollabora entre 1944 et 1977 remplit trois pages en petits caractères , ce beaulivre relate avec humour et tendresse celui qui fut un père, un époux et un amicourtois, timide et d'une « honnêteté totale », ne pouvant s'empêcher d'avoirdes « rapports passionnels » avec les autres tout en le cachant. « Mon pèreétait un gentleman », dit de René Goscinny sa fille Anne, toute de tendresse.En guise de consolation, Gilberte Goscinny, cette belle Niçoise à qui son épouxoffrait chaque dimanche matin une douzaine de roses, expliquera à la fillettequ'« il vaut mieux avoir un père génial pendant neuf ans qu'un con pendant trenteans ». Une épitaphe que n'aurait pas reniée celui qui aimait tant rire et fairerire et qui confia un jour : « Par rapport à autrui, nous ne sommes que desinexactitudes. »

 

Genèsed'un mythe

AlbertUderzo, le dessinateur, et René Goscinny, le scénariste, se sont rencontrés à24  ans, à Bruxelles. Ils ont trimé ensemble huit ans avant de concevoir,en août 1959, Astérix, le plus fameux des Gaulois.

Publié le 30 août 2003

C'est une planche de rien du tout, pas même une planched'ailleurs, seulement quelques esquisses représentant au crayon une sorte denabot, tantôt irascible sous son casque aux ailes amovibles, tantôt surpris ousongeur comme s'il venait de voir un morceau de ciel bleu lui tomber sur latête sous l'effet du pastis. Il faut dire que nous sommes en août 1959 et quela canicule, déjà, tape dur sur une HLM de Pantin, face au cimetière, où deuxénergumènes, un verre à la main, essaient de réinventer l'histoire de France,l'un à la pointe de sa (bonne) mine, l'autre à coups de gags ravageurs.

S'ils pensent à se rafraîchir, ledessinateur Albert Uderzo et le scénariste René Goscinny sont d'abord obsédés àl'idée de trouver une idée pour le lancement prochain du journal Pilote, leur journal, en octobre. Ils ont bienpensé à exercer leur talent sur une parodie en BD du Romande Renart, mais d'autres les ont précédés. Donc, scrogneugneu, attablésdevant leur pastis, et avec un cimetière pour horizon joyeux, ils cherchent.

Cela fait déjà huit ans que cesdeux-là se sont trouvés dans les locaux d'un journal belge. Ils avaient24 ans. Goscinny avait vécu en Argentine et aux Etats-Unis. Il rêvaitd'entrer chez Disney. A New York, il a débuté comme apprenti dessinateur dansune agence de publicité. Son premier travail fut de concevoir une étiquettepour de l'huile d'olive. "J'aidessiné de très belles olives dans une allégorie de jaunes et de verts, quelquechose de très bucolique. Le client, lui, voulait une femme nue. Allez savoirpourquoi une femme nue pour l'huile ! Il payait. Je lui ai dessiné une femmenue. Mais comme je n'étais pas doué pour ce genre-là, on a dû retoucher mondessin."

Après sept ans d'Amérique, Goscinnyarrive en Belgique avec l'espoir de placer sa série DickDicks Détective, une histoire dont il assure textes et dessins. C'est le toutdébut des années 1950. Après une année blanche, il rencontre enfin Uderzo. "Ça a été une sorte de coup de foudre mutuel,avouera Goscinny. On a parlé des heures.Nous avons décidé de travailler ensemble."

A cette époque, l'un pourrait êtrel'autre et réciproquement. Tous les deux dessinent et écrivent leurs scénarios.(Une de leurs facéties favorites sera, chaque fois qu'on leur demande "quiest qui ?", de répondre : "moi, c'est l'autre".) MaisGoscinny se sent plus à l'aise pour traduire son humour dévastateur en mots. Ildéteste camper des décors grandioses peuplés de milliers de figurants. Uderzo,lui, c'est le contraire. Réservé comme un menhir d'Armorique, c'est en laissantparler sa main dotée d'un crayon et d'un pinceau fin qu'il peut laisser librecours à sa fantaisie. Les deux hommes se découvrent des passions communes pourl'univers de Disney comme pour Laurel et Hardy. Influencé par la vagueaméricaine, Albert Uderzo signe des dessins Al Uderzo.

L'attelage du rire est donc constitué.Textes pour Goscinny. Vignettes pour Uderzo. Il reste à trouver unpersonnage et une histoire pour que l'aventure s'emballe. C'est ainsi que huitans plus tard, à Pantin, devant un pastis...

Entre-temps, la collaborationUderzo-Goscinny a été fertile. Ils ont créé ensemble LesAventures d'Oumpah-Pah le Peau-Rouge où ils jouent déjà en virtuosesdes anachronismes qui annoncent Astérix.

Pour LibreJunior, un supplément de la LibreBelgique, ils ont lancé le personnage de Pistolet puis Luc Junior, unjeune héros flanqué d'un chien qui n'est pas sans rappeler Tintin. Il leur fauttrouver leur style propre. C'est l'humour qui les révélera à eux-mêmes et augrand public. Pour le magazine féminin BonnesSoirées, ils se verront confier la rubrique... de la politesse. Il n'enfaut pas plus aux deux complices pour rigoler sans limites, avec pourvade-mecum un petit manuel de politesse belge rempli de perles etd'obsolescences.

Il arrive au tandem de se scinder, Morrischoisissant Goscinny pour Lucky Luke ou Jean-Michel Charlier faisant équipeavec Uderzo pour les aventures de Michel Tanguy. Les temps sont durs pour cesmarginaux qui ont choisi de vivre pour la BD, dont l'image de marque estdétestable. "Ce métier de scénaristede bandes dessinées, je peux dire que je l'ai inventé, affirmeraGoscinny. On lisait couramment dans lesjournaux que si un malfrat avait assassiné une rentière, c'était parce qu'illisait des bandes dessinées."

Dans son album consacré à Uderzo,Alain Duchêne rappelle que la condition du scénariste est pire encore que celledu dessinateur. Au début, le nom de Goscinny ne figure pas sur la couverturedes histoires de Lucky Luke, le personnage ayant été inventé par Morris.

"A mes débuts , racontait Goscinny, iln'était pas question de gagner sa vie en exerçant ce métier. On me regardaitbizarrement et on me demandait : quel est votre vrai métier ? C'estimpossible que vous vous occupiez de mettre des lettres dans desballons !"

Devant ces tracas, Uderzo, Goscinny etCharlier ont créé un syndicat visant à faire reconnaître le métier d'auteur deBD. Les éditeurs belges de la World Press voient rouge et renvoient Goscinny.Ses acolytes démissionnent dans un mouvement de solidarité, et les voilà tous lestrois rue de la Bourse, à la tête de deux petites sociétés, une agence depresse et une agence de publicité, qu'ils ont fondées. Ils relancent l'illustré Pistolinpour le compte des chocolats Pupier, "un petit galop d'essai pour créer unjournal", dira Goscinny en pensant à Pilote.

Les deux amis ont conçu l'aventurierBill Blanchart, leur seule série réaliste. Puis ils inventent la série Poussin et Poussif, qui met en scène un bébérisque-tout et son chien souffre-douleur, et LaFamille Moutonnet. En 1958, ils reprennent Oumpah-Pahle Peau-Rouge, qu'ils situent non plus à l'époque contemporaine, mais autemps de la colonisation américaine. "Jeme suis documenté principalement sur les Shawnees, qui avaient des mœursamusantes", expliquait René Goscinny. Amusant aussi le nom dont illes rebaptise : les "Shavashavah et Shavah bien pour eux,merci !...".

Cette fois, les duettistes agissent entoute liberté, multiplient les gags et les calembours, s'en donnent à cœurjoie. Sans le savoir, ils sont prêts pour le grand saut vers le succès qui leura tant de fois ri au nez.

C'est donc un Gaulois qui naît dans lemarc du pastis, si l'on peut dire, en ce mois d'août caniculaire de l'année1959. Et, le 29 octobre, le premier numéro de Pilote arrivedans les kiosques, soutenu par Radio-Luxembourg. 200 000 exemplairess'arrachent dans la journée. Page 20 de l'hebdomadaire, en "faussepage", c'est-à-dire à gauche, par opposition à une "belle page"située à droite, apparaît pour la première fois une planche ainsi libellée dansson bandeau : "Astérix incarnemalicieusement toutes les vertus de "nos ancêtres les Gaulois".L'humour de René Goscinny et d'Al Uderzo vous fera aimer ce petit guerriermoustachu, personnage nouveau dans le monde des bandes dessinées."

"Aimer est un euphémisme" , note Alain Duchêne. C'est parti pour quarante ans de"gaulitude" plus que de gauloiseries, dont Uderzo a ainsi résumél'esprit : "L'époque est plutôttristounette. La France, qui sort à peine du bourbier indochinois, est empêtréedans la guerre d'Algérie. Les Français n'avaient pas envie de se prendre latête." Les deux forcenés dela BD travaillent sans répit, jour et nuit. Uderzo dessine jusqu'à cinqplanches complètes par semaine, à raison de deux planches d'Oumpah-Pah pour le Journal de Tintin, deux planches de Tanguy etLaverdure et une planche d'Astérix. Un référendum organisé auprès des lecteursdu Journal de Tintin classe lesaventures du jeune Peau-Rouge en onzième position. Les auteurs prennentprétexte de ce résultat décevant pour renoncer à la série, au grand dam de ladirection du journal, qui tente en vain de les retenir.

Leur avenir s'appelle Astérix. Quandle succès viendra, et il ne va pas tarder, Uderzo abandonnera aussi lesaventures de Tan-guy et Laverdure, et c'est le dessinateur Jigé quiprendra sa suite auprès de Jean-Michel Charlier. Entre-temps, l'éditeur GeorgesDargaud a racheté le journal Pilote.Et en 1961, sous la pression de ses auteurs, il publie un premier album d'Astérix le Gaulois, dont le tirageinitial est de 6 000 exemplaires seulement.

Quatre ans plus tard, Le Tour de Gaule sera tiré à60 000 exemplaires, et Astérixet Cléopâtre à 100 000 exemplaires. Le succès ne sedémentira plus. Le personnage est lancé. Quand un satellite tricolore est missur orbite pour l'espace, c'est tout natu- rellement qu'il reçoit le nomd'Astérix. Le Gaulois râleur et ripailleur, colérique et bagarreur, tendre etobstiné, a conquis son public.

Un ministre raconte aux auteurs que legénéral de Gaulle a fait l'appel de chacun des membres du conseil des ministresavec des noms en "ix". Voyant la partie de carte de Marius et la partie de pétanque de Fanny représentées dans Le Tour de Gaule, Marcel Pagnol dira,comblé : "Maintenant, je saisque mon œuvre est éternelle." Le dessin dynamique d'Uderzo seprête à merveille au sens narratif de Goscinny, qui multiplie les trouvailles delangage et de gags. Le "Ils sont fousces Romains !" setaille un succès considérable, comme le "n'est-ilpas ?" des grands Bretons, ou encore le "tu l'as dit bouffi" romain. Aufil des albums, des personnages connus comme Lino Ventura, Annie Cordy, JeanRichard, Guy Lux ou encore Jacques Chirac (le "néarque" CaiusSaugrenus, diplômé de la Nouvelle Ecole d'Affranchis, dans Obélix et compagnie) se voient aimablement -parfois piteusement - caricaturés. (Ainsi Pierre Tchernia en Romain ivre etdécadent se saoulant avec une amphore, dans le même Obélixet compagnie.)

Pendant que Goscinny, outre leshistoires de Lucky Luke, signe avecSempé les récits du Petit Nicolas etinvente Iznogoud, le méchant vizirdessinépar Tabary, Uderzo s'amuse avec Idéfix, qui fait sa première apparition dans Le Tour de Gaule. "Reném'avait dit : surtout pas de chien. Il refusait que le personnage ait unfaire-valoir, comme Spirou avec son écureuil ou Tintin avec Milou. Un jour,curieusement, dans le scénario du Tour de Gaule, il a écrit qu'à lasortie d'une charcuterie de Lutèce où les deux héros achètent du jambon unpetit chien les attend à la porte. Puis ce petit chien n'apparaît plus dans lasuite de l'histoire. J'ai dit à René : ce serait drôle de continuer legag ; l'animal est si petit que personne ne le verrait. Et, à la fin,Obélix le caresserait en faisant un clin d'œil. René a accepté. Les lecteurs dePilote ont écrit pour revoir le petit chien. Nous avons lancé un concours pourlui trouver un nom. Cinq lecteurs ont trouvé Idéfix." Lechien d'Obélix est si petit qu'il arrive parfois à Uderzo de l'oublier en routedans une histoire. Et le voilà qui repasse sur ses planches pour le retrouverafin d'étoffer son rôle. Jusqu'aux pyramides, où son flair sortira lescourageux Gaulois d'un piège terrible !

En dix-huit ans de collaboration, lesdeux complices réalisent vingt-quatre albums au succès toujours plus grand,sans oublier les feuilletons radiophoniques et les dessins animés (les filmsavec de "vrais" acteurs viendront plus tard). Leurs héros serontgladiateurs, légionnaires ou athlètes olympiques, ils visiteront les Egyptienset les Corses, les Helvètes (une suggestion du président Pompidou) et lesHispaniques, les Bretons et les Normands, les Goths, les Belges et quelques Indienssupposés d'Amérique. Ils se disputeront dans LaZizanie, s'occuperont d'immobilier dans LeDomaine des Dieux, feront toujours en mer des traversées riches en pauvrespirates latinistes ("O tempora, o mores"),recevront de la potion magique (sauf Obélix pour les raisons que l'on sait),massacreront dans la bonne humeur des légions entières de Romains,banquetteront avec appétit autour de sangliers replets non loin d'un bardedésenchanté de ne pas chanter, ficelé comme un jeune marcassin.

Mais, le 5 novembre 1977, leshéros portent le deuil de René Goscinny qui vient de succomber à une crisecardiaque. L'aventure n'est pas pour autant achevée. Crânement, malgré lechagrin et la conscience qu'il a de ne pas maîtriser le scénario aussi bien queson frère de plume, Uderzo se remettra à sa planche à dessin pour réaliser seulhuit nouveaux épisodes d'Astérix le Gaulois,dont le dernier paru en 2001, Astérix etLatraviata, battra tous les records de vente, avec 7 millionsd'exemplaires dans le monde, et 3 millions pour la seule langue française.On imagine un Goscinny sur son nuage, répétant en se frottant les mains : "Ça est un morceau de chance, n'est-ilpas ?"

Eric Fottorino

 

"Pilote",le journal qui s'amuse à revenir

44ans après, "le journal qui s'amuse à réfléchir" nous offre un"spécial été" d'anthologie rendant hommage à ses dessinateurs et àses personnages-culte, comme "Lucky Luke" ou "Astérix".

Publié le 02 juillet 2003

Lucky Luke ,Blueberry, Superdupont, le Grand Duduche, Jack Palmer, le Concombre masqué etquelques autres héros qui, pendant de longues années, ont fait les beaux joursdu journal Pilote , "le journal qui s'amuse àréfléchir" , se côtoient sur la couverture, signée Jean Solé. Quatorzeans après la fin de sa parution en novembre 1989, les éditions Dargaud ont eula bonne idée de ressusciter tout ce petit monde l'espace des vacances avec lapublication d'un Pilote "spécial été"  en vente(7 euros) depuis le 19 juin.

Ce numéro d'anthologiede 128 pages "qui s'amuse à revenir"  rassembleles grands anciens (Gotlib, Bretécher, Pétillon, Giraud-Moebius, Cabu, Reiser,Mandryka, Lauzier, F'Murrr, Bilal...) et quelques nouveaux de la BD commeLarcenet et Zep, le créateur de Titeuf. "En trente ansd'existence, le magazine, curieux, iconoclaste et inspiré, a accueilli dans sarédaction et révélé les plus grands noms de la bande dessinée moderne" ,peut-on lire dans l'éditorial de ce spécial. "Il a cessé deparaître, mais ses auteurs n'ont cessé de créer et d'inspirer beaucoup d'autresartistes, scénaristes ou dessinateurs."

Imprimé sur papierglacé, ce Pilote  mêle l'ancien et le nouveau, mélange lesgenres. On y trouve - en vrac - Zep corrigé par Gotlib, des dessinsinédits de Bilal, une aventure inédite du Grand Duduche, une nouvelle signéeAnne Goscinny, un questionnaire pour tester sa "culture  Pilote",  plusieurs "plancheshommages" aux dessinateurs disparus comme Greg, Charlier ou Morris (àqui est dédié ce numéro spécial) et quelques témoignages de personnalités sur "leursannées  Pilote".  " Pilote m'a permis defaire l'apprentissage du réalisme et de la lecture", écrit FrédéricBeigbeder. "Cet engrenage dans lequel j'ai alors mis un doigtcontinue aujourd'hui de me broyer, et je ne m'en plains pas , bien au contraire."  Deson côté, Michel-Edouard Leclerc est persuadé que " Pilote estle véritable détonateur des événements de Mai 68. On sous-estime beaucoup trop,à mon sens, l'influence de la bande dessinée dans les réactions de la jeunessede l'époque !".

Seule ombre autableau, le témoignage de Claire Bretécher, l'unique dessinatrice membre de larédaction, qui ne conserve pas que de bons souvenirs de ses années Pilote ,et particulièrement de sa conférence de rédaction hebdomadaire : "J'auraisdû être heureuse et fière de cette aventure et, pourtant, c'est l'un dessouvenirs les plus cauchemardesques de mon existence" , écrit lacréatrice de Cellulite. "Mon passage à  Pilote n'apas toujours été facile, mais il a été capital",  poursuit ladessinatrice qui, ensuite, partit fonder L'Echo des savanes  encompagnie de Mandryka et Gotlib avant de rejoindre Le NouvelObservateur  pour y créer Agrippine.

"L'ESPRIT SOUFFLETOUJOURS"

Lancé en octobre 1959par René Goscinny, Jean-Michel Charlier, et Albert Uderzo, Pilote  aséduit trois générations d'amateurs de bandes dessinées et de rubriques "décalées" .C'est dans le premier numéro, tiré à 300 000 exemplaires, paraît-ilvendus dans la journée, que sont apparus Astérix et Obélix, aujourd'hui succèsmondial. En donnant sa chance à une nouvelle légion de dessinateurs à l'étroitdans les autres publications de l'époque, Pilote  asérieusement dépoussiéré la BD avec son ton frondeur, râleur et rebelle. Il aaussi marqué la mémoire collective avec de nouveaux héros qui sont aujourd'huidevenus des classiques comme Achille Talon, Blueberry ou Superdupont. Sansoublier les "Dingodossiers" et "La rubrique à brac", signésGotlib, qui font, bien évidemment, partie de la bédéthèque idéale etincontournable en cinquante albums conseillée par la rédaction.

"Plus de quaranteans après et quelques milliers de pages plus tard, l'esprit de  Pilote souffletoujours. On peut mesurer le séisme : Mai 68, la chute du mur de Berlin,l'invention du téléphone portable, Internet... Tout cela aurait-il été possiblesans Pilote ? Il est légitime d'en douter" , est-il écrit, à justetitre, dans l'éditorial de ce numéro collector.

Daniel Psenny

Le Monde

 

  • Caractéristiques spéciales: Illustré
  • Époque: XXe
  • Sujet: BANDE DESSINEE

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